Annoncé dans ce précédent post, l’article sur la quête du Graal de Mabog est arrivé !
Être un producteur français n’est déjà pas simple. Comme nous l’a si bien dit Aurélien Merlet lors d’une journée de formation chez Élan Créateur, nos principaux concurrents sont bien souvent les géants de la grande distribution. Je le remercie de nous avoir rappelé cette évidence : tous les entrepreneurs français font face à des mastodontes ayant des moyens que nous n’aurons sans doute jamais. Et c’est une bonne chose ! On dit souvent que la fin justifie les moyens. Or justement la finalité qui m’anime (et qui anime tous les entrepreneurs del’ESS) est à l’exact opposé d’une course effrénée au profit. C’est là toute la difficulté, et sans doute tout l’intérêt de s’engager dans une aventure à impact social et environnemental (1).
Pas facile donc d’être un producteur français. Et quand en plus on veut être recycleur, le niveau de difficulté monte d’un sacré cran ! Attention : trouver des matières premières de qualité est ardu pour tout le monde… Combien de créateurs de vêtements ont du mal à trouver du tissu de qualité ? Plein. Combien de boulangers ont du mal à trouver de la farine de qualité ? Plein. Combien de viticulteurs ont du mal à trouver des terres de qualité ? Plein aussi. Ceci dit, ces filières existent !
De leur côté, les producteurs recycleurs doivent très souvent inventer une roue qui n’existe pas encore (comme l’a fait Draw your beer avec sa bière au pain sec), ou bien trouver LE fournisseur qui s’est investi pour concevoir et faire fonctionner cette roue. Les moyens financiers et techniques à mobiliser sont moindres, mais cela demande beaucoup d’énergie, de temps et une énorme dose de persévérance. C’est très exactement ce qu’a fait Flora de Mabog et je la remercie encore chaleureusement d’avoir pris le temps de me raconter l’histoire de sa petite entreprise 🙂 !
Tout a commencé en 2018 quand Flora a décidé de trouver une alternative zéro déchet aussi confortable et pratique que le film étirable alimentaire. Cela peut paraître évident aujourd’hui, mais à l’époque, les accessoires zéro waste ne courraient pas encore les magasins (ou les rues, c’est selon…). Elle avait certes l’exemple de ses grands parents qui se contentaient de placer une assiette sur les plats dans leurs frigos. Efficace ? Oui. Insatisfaisant ? Aussi. Cela prend de la place, et puis Flora qui se dit maladroite (quand je vois la qualité de ses produits, je suis certaine que cette maladresse reste circonscrite) se trouvait trop régulièrement face à ces petits drames du quotidien, pas graves mais énervants.
Vous savez ? Ces petits accidents du genre : saperlipopette (version polie), j’ai renversé le reste de sauce tomate en voulant sortir une compote, y’en a partout, faut nettoyer, la sauce est gâchée, le goûter retardé, et puis j’ai une tâche sur mon chemisier, vite, il faut rincer… Qui n’a jamais vécu ce genre de situation est au choix : béni des Dieux, et/ou étranger à toute tâche domestique, et/ou un martien…
Peu convaincue par les bee wrap, Flora s’oriente assez vite vers la confection de charlottes. Le coton enduit est rapidement écarté (les tâches de gras à la moindre utilisation, très peu pour elle) et puis il lui faut trouver une matière qui soit adapté au contact alimentaire. Flora se lance dans des recherches sur la certification de ces fameux tissus. Dans le genre opacité de l’information, on est pas mal : les normes sont différentes d’un pays à l’autre, la certification d’un tissu dépend d’un laboratoire agréé (par qui : ça dépend des pays), fort cher, qui n’a pas à justifier sa réponse. Bien.
Flora arrive tout de même à la conclusion que le PUL alimentaire est sa meilleure option : aussi imperméable que du plastique, il reste respirant (hyper important pour limiter l’apparition de moisissures). Oui mais (il y a toujours un oui mais, et en l’occurrence ici il y en a plusieurs…) la plupart des PUL certifiés contact alimentaire sont blancs : franchement pas sexy… Elle a bien essayé de les doubler avec du coton bio coloré : ils ressortent tout froissés de la machine à laver, et devoir repasser ses charlottes à chaque lavage, faut pas abuser. En surtout, ce PUL est fabriqué à base de pétrole. Et comme me l’a très bien dit Flora : fabriquer un accessoire zéro déchet avec une matière polluante, c’est un brin contradictoire, non ?
Qu’à cela ne tienne, Flora ne lâche pas l’affaire ! En mars 2019, Flora touche (presque) au but : elle découvre le PUL alimentaire de Roche papier ciseau qui propose des tricots de polyester fait à 100% de fibres recyclées. Hourra ! L’entreprise défend les valeurs écologiques et de fabrication locale qui sont chères à Flora. Un pour le zéro déchet, 0 pour le textile polluant ! Oui mais, encore un hic, cette entreprise est québécoise. Flora est obligée de faire faire des milliers de kilomètres à sa matière première avant de pouvoir la travailler. Bon, ce n’est pas comme si c’était une exception dans le monde de la production et de la confection textile. Tout de même, Flora est chagrinée.
Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, Flora monte son auto-entreprise et commence ses ventes de charlottes en PUL de bouteilles plastiques qui rencontrent un beau succès (amplement mérité !). En même temps, Flora n’oublie pas le but qu’elle s’était fixé et reste aux aguets pour trouver un PUL recyclé qui serait plus local. Ce Graal (son Graal), elle le trouve presque par hasard au club de couture qu’elle fréquente au Rheu. Au cours d’une conversation, elle entend parler de Panda Love Fabrics et son cœur fait un bond ! Cette entreprise propose elle aussi du PUL coloré, sympa, fabriqué selon les normes contact alimentaire ET à partir de bouteilles plastiques. Et, last but not least, la Panda Love Fabrics est basée dans le centre Bretagne, et leurs tissus sont fabriqués en Europe !
En septembre 2019, la Panda Love Fabrics avait déjà offert une seconde vie à plus de 68000 bouteilles ! Et, très franchement, le design de leur tissus n’a rien à envier aux autres tissus fantaisie : ils sont colorés, hyper joyeux, agréable à manipuler, un vrai plaisir pour les yeux et les mains ! Au moment où j’ai rencontré Flora, elle venait de recevoir ses premières commandes de chez Panda Love. Je peux vous garantir que j’ai hâte de découvrir les prochaines collections MABOG !
Avant de terminer cet article, je voulais une nouvelle fois remercier Flora de Mabog. Partager le nom de ses fournisseurs n’a rien d’évident et c’est un vrai cadeau que Flora nous fait en nous partageant le résultat de ses recherches acharnées. Quand on est auto-entrepreneur, il est parfois difficile de rester axé sur les valeurs qui nous ont conduits à lancer notre entreprise. Tant de difficultés au delà de la recherche de son Graal : fabriquer, communiquer, vendre… Cela demande une telle énergie et une telle force de travail qu’il est courant et légitime de se sentir isolé, et de vouloir garder jalousement l’identité de son « précieux » fournisseur. Ne serait-ce pas se tirer une balle dans le pied que de révéler ce qui rend notre travail si original ? Je ne le crois vraiment pas.
C’est une chose de savoir comment faire, c’en est une autre de le mettre en pratique ! Et pourtant, combien de créateurs et de créatrices ont entendu de la part d’un client pourtant bien intentionné : « c’est très chouette ce que vous faites, mais c’est quand même un peu cher, non ? ». Et souvent, il n’a qu’à moitié tort ! Oui, c’est parfois plus cher que ce qu’on pourrait trouver « ailleurs ». En même temps, c’est la juste rémunération (et encore, les artisans ont un salaire qui en rebuterait plus d’un) pour un travail qui va bien au delà de la simple confection du produit. Alors, une fois encore, un immense merci à Flora, que vous pouvez naturellement soutenir en vous offrant une de ses superbes charlottes 😉 !
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1/ Comme le rappelait magnifiquement bien France Culture dans cet article du 13 mai dernier, la démarche des entreprises soucieuses de leur impact social et environnemental montre aujourd’hui son efficacité et toute sa solidité. Et si le Mouves propose une posture très différente (merci !) de celle des mastodontes évoqués plus haut, il offre un appui Ô combien efficace à tous ceux qui partagent ses valeurs.